08 mars 2023

Créer des cultures de travail inclusives : s’inspirer du passé pour aller de l’avant

Créer des cultures de travail inclusives : s’inspirer du passé pour aller de l’avant

Le thème de la Journée internationale des femmes de cette année, « embrasser l’équité » (#EmbraceEquity), met l’emphase sur comment chacun peut jouer un rôle dans la promotion de l’équité. C’est dans ce contexte que la Journée international des femmes fait appel aux organisations afin de créer des cultures de travail inclusives où les femmes peuvent s’épanouir dans leurs carrières et où leurs réalisations sont célébrées.

En réfléchissant à ce que signifie la création d’un environnement de travail équitable, il est utile d’examiner l’évolution de la jurisprudence et de la législation concernant le harcèlement en milieu travail pour mieux comprendre les actions nécessaires à la création d’un environnement véritablement inclusif et exempt de harcèlement. En effet, des progrès importants ont été réalisés dans le contexte du mouvement MeToo, particulièrement en ce qui concerne la prévention et le traitement des plaintes de harcèlement sexuel.

L’ère pré-MeToo : les environnements de travail et la nécessité de faire des changements systémiques

Dans une décision souvent citée rendue par le Tribunal des droits de la personne en 1998, la juge Michèle River partage son point de vue sur la nécessité de réaliser des changements systémiques dans les milieux de travail (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Lippé) c. Québec (Procureur général), (T.D.P.Q., 1998-11-02)).

Dans cette affaire, le climat de travail de l’employée avait changé radicalement suite à une plainte anonyme déposée par une autre femme contre le directeur adjoint pour harcèlement sexuel. Bien qu’elle n’ait pas elle-même porté plainte, elle a commencé à être ostracisée par ses collègues masculins en raison de la spéculation entourant l’identité de la plaignante sur le lieu de travail. Elle a décrit son environnement de travail comme étant hostile et a témoigné avoir subi des représailles sur une base quotidienne. Par exemple, des collègues masculins ont commencé à faire des commentaires sur ses seins et le fait qu’elle était généralement attirante, lui demandant de les embrasser et menaçant de lui faire du mal. Par conséquent, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a soutenu que le milieu de travail de la demanderesse portait atteinte à son droit de travailler dans un environnement exempt de discrimination et de harcèlement fondés sur le sexe.

La juge a conclut que les comportements de harcèlement auxquels la plaignante avait été soumise portaient effectivement atteinte à sa dignité, son honneur et sa réputation, ainsi qu’à son droit à l’égalité de traitement en milieu de travail. Cette affaire a permis de mettre en lumière que le harcèlement sexuel en milieu de travail n’est pas une simple question de plaintes isolées contre un « mauvais individu ». La juge fait plutôt valoir que certaines cultures de travail comportent une dynamique qui contribue au harcèlement sexuel, comme des environnements qui isolent les femmes. La juge souligne en outre que le type de harcèlement sexuel subi par la plaignante est « plus subtil et plus insidieux » que le harcèlement à connotation sexuelle ; il s’agit d’un type de harcèlement sexuel qui vise à démontrer que la personne n’a pas sa place dans le milieu de travail, qui est occupé majoritairement, mais pas exclusivement, par des hommes.

Dans son analyse, la juge expose un autre aspect de la nature systémique du harcèlement sexuel – elle indique clairement que le harcèlement sexuel peut se manifester sous la forme du maintien d’un environnement de travail dominé par les hommes, où la présence des femmes est indésirable. Dans ce cas-ci, la plaignante travaillait dans un milieu de travail où on interdisait les femmes avant les années 1980, et qui est resté à prédominance masculine jusqu’au courant des années 1990. Le jugement accorde de l’importance à l’histoire de l’intégration des femmes dans ce domaine, et au fait qu’il s’agissait d’un environnement hostile aux femmes pendant la majeure partie de son existence. Cette analyse peut être appliquée aux travailleurs de différents groupes. Les organisations peuvent ainsi considérer l’importance d’instaurer une culture d’entreprise qui ne crée ni n’encourage l’isolement de leurs employés appartenant à des groupes minoritaires.

Après 2017 : Une solution à l’horizon

Le 16 octobre 2017, après qu’un « tweet » d’une actrice américaine encourageant les gens à partager leurs histoires de harcèlement sexuel soit devenu viral, le mouvement MeToo est rapidement devenu un phénomène international. En2018, le projet de loi 176 a été proposé suite à la prise de conscience suscitée par le mouvement MeToo, apportant ainsi des solutions aux problèmes liés à l’environnement de travail soulevés dans les années 1990 (Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail,LQ 2018, c 21).

Cette loi a apporté trois changements importants, dont le premier est l’inclusion du harcèlement sexuel dans la définition du harcèlement au travail en vertu de la Loi sur les normes du travail. Deuxièmement, la loi a prolongé à 2 ans le délai pour déposer une plainte après le dernier incident de harcèlement, autrefois de 90 jours.

Enfin, la loi impose à l’employeur d’adopter une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes. L’employeur a l’obligation de rendre la politique accessible à ses employés et d’inclure un volet concernant les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel. Ce changement a fait écho aux craintes soulevées dans la décision susmentionnée du Tribunal des droits de la personne, où la politique en matière de harcèlement sexuel était largement méconnue. La nouvelle loi garantit non seulement qu’une politique soit mise en place, mais également qu’on veille à ce qu’elle soit connue et appliquée. Alors que ce mois-ci offre l’occasion de réfléchir à ce que signifie un environnement de travail équitable et à l’importance du mouvement MeToo, un regard historique nous permet de mettre en lumière les progrès réalisés jusqu’à présent et de songer aux prochaines étapes. Un tel élan peut également motiver et inspirer les organisations à être proactives dans la création d’environnements de travail sains.

Pistes de réflexion pour les organisations

  • De quelle façon sensibilisez-vous vos employés à la prévention du harcèlement?
  • Si vous œuvrez dans un domaine où les femmes sont traditionnellement sous-représentées, avez-vous adopté des mesures afin de favoriser leur inclusion?
  • Que faites-vous pour être proactif dans la création d’un environnement de travail plus équitable?

Cet article est publié dans le cadre de la série « Créer des cultures de travail inclusives » par Latitude Management pour la Journée internationale des femmes. Ces articles traitent des différentes façons dont les employeurs peuvent embrasser l’équité dans leur milieu de travail. #EmbraceEquity

Créer des cultures de travail inclusives est une mission identifiée pour la Journée internationale des femmes, 2023. (https://www.internationalwomensday.com/)

 

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