12 juillet 2023

Les gestionnaires doivent donner l’exemple

Les gestionnaires doivent donner l’exemple

La Cour supérieure examine les conclusions de l’enquête menée par Latitude dans l’affaire Couture c. Kleen Flo Tumbler Industries Limited

Une décision récente de la Cour supérieure du Québec, Couture c. Kleen Flo Tumbler Industries Limited1 confirme les conclusions d’une enquête menée par Me Anaïs Lacroix, associée fondatrice de Latitude.

Dans cette affaire, M. Guy Couture, qui a occupé un poste de directeur des opérations pendant 39 ans et qui était considéré comme le collaborateur de confiance du fondateur, a été congédié pour avoir créé un environnement de travail toxique qui a eu des répercussions négatives sur ses employés.

Les allégations

Comme l’indique la décision, plus d’une douzaine d’employés ont formulé des allégations à l’encontre de M. Couture, décrivant son style de gestion comme autoritaire. Ils ont décrit les effets néfastes de son attitude condescendante et hostile, qui leur a causé du stress et de l’insomnie. Interagir avec lui les mettaient mal à l’aise et leur faisaient craindre d’éventuelles réprimandes. En outre, les représentants des ventes ont affirmé qu’il exerçait un contrôle absolu par des moyens arbitraires, limitant considérablement leurs actions et les empêchant de fournir un service à la clientèle satisfaisant.

Dans un mouvement de solidarité, les employés du bureau et de l’entrepôt ont décidé collectivement de ne pas se présenter au travail pour dénoncer le comportement de M. Couture.

L’enquête

En tant qu’enquêtrice indépendante, Me Lacroix de chez Latitude a enquêté sur les allégations graves formulées à l’encontre de M. Couture. Par le biais d’entrevues approfondies et d’une analyse exhaustive des preuves recueillies, Me Lacroix a éventuellement déterminé que la conduite de M. Couture constituait bel et bien du harcèlement psychologique et qu’elle avait empoisonné le climat de travail et l’avait rendu nocif.

Après avoir été informé des conclusions de l’enquête, l’employeur a décidé de mettre fin à l’emploi de M. Couture pour un motif sérieux, sans préavis ni indemnité.

Le procès

Au procès, M. Couture a contesté les motifs de son congédiement et a réclamé 500 000 $ à titre d’indemnité de cessation d’emploi et de dommages-intérêts.

Le jugement

Dans son jugement, la juge Turcotte donne raison à l’employeur, estimant que le congédiement de M. Couture était justifié dans les circonstances. Ce faisant, la juge Turcotte souscrit aux conclusions de l’enquête de Me Lacroix, qu’elle qualifie de conformes à la preuve.

S’appuyant sur les témoignages qui corroborent la preuve recueillie par Me Lacroix, que la juge Turcotte qualifie de « sans failles », cette dernière met en lumière plusieurs exemples de comportements inacceptables de la part de M.Couture. Parmi ces gestes, notons son attitude autoritaire, ses propos insultants à l’égard des femmes et des personnes de différentes origines ethniques, l’utilisation de jurons pour accentuer les propos désobligeants, le traitement condescendant des représentants des ventes, les remarques déplacées sur l’apparence d’une employée et les commentaires désobligeants sur l’origine ethnique des employés du siège social.

Se comporter comme des modèles

Cette décision est particulièrement intéressante en raison de l’emphase qu’elle met sur la norme de conduite plus élevée qui est attendue de la part des gestionnaires. La juge Turcotte est d’accord avec la déclaration de Me Lacroix selon laquelle les gestionnaires, en tant que personnes en position d’autorité, doivent donner l’exemple aux autres et adopter un comportement qui reflète les valeurs de leur employeur, en citant ce passage du rapport d’enquête de Me Lacroix, au paragraphe 65 :

  • [Traduit] Un gestionnaire doit agir comme un modèle, donner l’exemple et représenter les valeurs de l’organisation dans toutes ses actions. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Par ses actions et ses paroles, M. Couture a mis en péril le bien-être des employés et représente un risque légal et de réputation pour l’entreprise.

Obligations et devoirs des gestionnaires

La juge Turcotte conclut également que, par ses actions, M. Couture a manqué à son obligation de prudence et de diligence envers son employeur, ainsi qu’à son devoir de loyauté. Le juge Turcotte écrit, au paragraphe 86 :

  • Couture a aussi manqué de loyauté envers son employeur, une entreprise familiale envers qui le personnel a développé un immense sentiment d’appartenance. L’attitude de M. Couture détonne avec la philosophie de la direction, que ce soit dans ses relations avec les employés ou avec la clientèle. Les dirigeants ont eu honte en apprenant la vérité.

En tant que gestionnaire, M. Couture avait la responsabilité de s’assurer que le milieu de travail était exempt de toute forme de harcèlement psychologique ou sexuel. Plutôt que de le faire, il a lui-même adopté une conduite qui a créé un environnement de travail toxique.

Dans cette affaire, le fait que la conduite de M. Couture ait été suffisamment grave pour que les employés refusent devenir travailler s’il restait en poste a été considéré comme une circonstance aggravante par la juge Turcotte.

Le retard dans la dénonciation

Selon la preuve présentée, il a été révélé que le comportement inapproprié de M. Couture s’est prolongé sur une longue période. M. Couture soutient que le temps que les employés ont mis à dénoncer sa conduite devrait être considéré comme un élément favorable à sa défense. Néanmoins, la juge Turcotte a déterminé, sur la base de la preuve présentée, que les employés avaient une crainte raisonnable de représailles potentielles, ce qui a permis de clarifier la cause de ce retard.

Pistes de réflexion

Pour tous les employeurs, cette décision est un rappel utile de l’importance de veiller à ce que les gestionnaires soient bien au fait des questions de prévention du harcèlement et agissent comme des modèles pour les employés en ce qui concerne la conduite et la communication appropriées sur le lieu de travail. La juge Turcotte rappelle que « [l]orsque la source du harcèlement provient d’une personne en autorité dans l’entreprise, l’employeur se doit de réagir promptement afin de freiner l’effet dévastateur que les gestes sont susceptibles de causer dans le milieu de travail » (paragraphe 91).

Quelles sont les options qui s’offrent à un employeur informé de problèmes potentiels liés à la conduite ou au style de gestion d’un employé cadre? Les employeurs devraient toujours être proactifs lorsque des préoccupations sont soulevées. Outre une enquête traditionnelle ou une analyse de recevabilité, une analyse de climat de travail ou une évaluation neutre peuvent s’avérer de bonnes options dans certains cas. Pour les gestionnaires qui souhaitent renforcer leurs compétences interpersonnelles dans des domaines tels que le leadership, la communication, l’écoute empathique, l’intelligence émotionnelle, etc., Latitude propose également divers services de coaching et de formation.

Article par

  1. Couture c. Kleen Flo Tumbler Industries Limited, 2023 QCCS2175